Un jour, Charles Lutwidge Dodgson arrive à la maison et annonce à sa mère :
- Maman, faut que je te parle.
- Qu’est-ce-que t’as fabriqué cette fois, Charles?
- J’ai décidé de faire un truc différent, j’en ai mare de la monotonie.
- Mon fils, tu te souviens de la dernière fois que t’as essayé une chose pareille?
- Oui, maman. Mais ce qui est arrivé n’était pas de ma faute. J’étais persuadé qu’on pouvait voir ce qu'il y avait de l’autre côté du miroir.
- Je comprends. Mais tu n’aurais pas dû forcer ton cousin Jérémy à le traverser. Le pauvre bougre s’est esquinté la figure.
- La science, maman, a besoin de volontaires. Au moins on a découvert que ça n'était pas possible pour l’instant…
- Dis-moi, alors, ce que tu voulais me raconter.
- J’ai laissé tomber la poésie.
- Ah, finalement un peu de bon sens. La poésie, ça mène nulle part. Regarde tes amis Edgar Allan Poe et Walt Whitman. Qui les connaît ? Qu’est-ce-qu’ils ont fait d’important dans leur vie ?
- Maman…
- Maintenant tu pourras te dédier exclusivement aux mathématiques. Je suis fière de toi.
- Maman, c’est exactement de ça que je veux te parler.
- Tu vas lancer un nouveau livre sur les théories d’Euclide?
- Non, j’ai aussi laissé tomber les maths.
- Quoi ? T’es devenu dingue ? C’est à dire, encore plus qu’avant ?
- Je viens d’écrire un livre sur une petite fille appelée Alice.
- Ouf. C’est pas si dramatique. Dis m’en plus.
- Il y a cette enfant qui marche dans les bois puis un lapin blanc apparaît.
- Que c’est joli. Une fable, comme celles de La Fontaine?
- Pas tout à fait. Le lapin a une montre à gousset.
- Une montre ?
- Mais il est toujours en retard.
- C’est un lapin ou un brésilien ?
- Alice le suit jusqu’à l'entrée d'un gros trou. Elle y tombe. Au fond, il y a une porte, trop petite pour elle. Alice décide de boire dans un verre sur lequel il est inscrit “bois-moi”. Elle devient minuscule, ayant la taille parfaite pour passer par la porte, mais elle est toujours malheureuse parce qu’elle n'a pas pensé à prendre la clé de la porte sur la table. Du coup, elle mange du gâteau qui est à côté d'elle, par terre, sur lequel elle peut lire “mange-moi” et là, elle se transforme en géante.
- Charles, t’as pris quoi ce matin ? T’as dû manger des œufs périmés. On va aller voir le médecin tout de suite. Tu vas pas bien, ça se voit.
- Attends, maman, c'est pas fini. Alice rentre dans un nouveau monde. Je l’ai appelé le pays des merveilles.
- Le pays des merveilles ?
- Oui.
- Un endroit où tout est merveilleux ?
- Exactement.
- Il n’y a plus de portes minuscules ?
- Non.
- Ni de gâteaux qui font grandir ?
- Tu parles de Haribo ?
- Quoi ?
- Laisse tomber. Pour comprendre ma blague il aurait fallu que tu sois née en France, au XXè siècle.
- Et dans ce pays des merveilles, il y a quoi ?
- Des choses simples. Un chapelier qui boit du thé tout le temps et fête les non-anniversaires, les frères Tweedeldee et Tweedeldum, qui contredisent Alice sans arrêt , le chat du Cheshire et son sourire énigmatique, la Reine de Cœur et son désir de couper la tête à tout le monde.
- Mais que t'est-il arrivé, mon Charles ?
- J’ai oublié de te dire, maman. Désormais, on m’appelle Lewis Carroll.
- Lewis Carroll?
- Calme-toi, maman. Je vais aller te chercher du thé.
- …
- Maman, maman! Reviens, j’ai pas terminé… Elle est devenue folle, on dirait.
Le texte ci-dessus a été originellement publié dans la revue culturelle des étudiants du master 2 Journalisme culturel à la Sorbonne Nouvelle. Je l'ai, ici, un tout petit peu modifié.
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