vendredi 24 octobre 2008

Trois histoires pour un tableau

Jean Novion, français de nom, argentin de nationalité et brésilien par son lieu de naissance a visité le Louvre en 1996. C’était avant que le Da Vince Code transforme le célèbre musée en filiale de Disneyland et Mona Lisa en une espèce de « Nouveau Mickey ». Si c’était pas la frénésie actuelle, des milliers de personnes jouaient déjà des coudes devant le tableau, beaucoup plus d’ ailleurs pour le prendre en photo que pour réellement l’observer. Ceci malgré l’écriteau en lettres majuscules annonçant dans toutes les langues qu’il est: « interdit de photographier ».

Mais allez contrôler 200 Japonais et leurs appareils photos.

Jean suit les indications et arrive, en même temps que la délégation asiatique, devant le tableau le plus connu au monde, et dont la taille le surprend un peu.

- C’est ce petit truc riquiqui, là ?

Véritables samouraïs des temps modernes, munis d’appareils photos plutôt que d’épées, les Japonais ne se préoccupaient ni de la taille de l’œuvre ni de l’écriteau et commencèrent à la mitrailler à une vitesse digne du Guinness. Du livre des records bien sûr, pas de la bière.

Sauf que Mona Lisa est le seul tableau du Louvre à avoir sa propre garde rapprochée. Un mec payé pour vous engueuler, qui fait ça toute la journée, et qui, voyant la moitié de Tokyo dans la pièce, décida d’entamer une session d’engueulades multilingues.

- Pas de photos! No photos! Sem fotos! いいえ写真!

Réaction immédiate : les Japonais se tournent tous vers le type et, de façon synchronisée, font crépiter des centaines de flashes en sa direction. Profitant de son aveuglement momentané, ils se retournent vers la Joconde pour en prendre 250 photos supplémentaires. Satisfaits, ils tournent les talons et partent, un sourire Made in Japan aux lèvres.

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Ronald Walker, ex-punk, né en Angleterre et élevé au Brésil, profite d’un voyage en France pour faire un saut au Louvre. Arrivant à la salle où Mona Lisa repose, ou essaie de se reposer, il tourne le dos à la peinture.

- Je regarderai pas.
- T’es fou ou quoi ?
- Je ne la regarderai pas.
- Pourquoi ?
- Je veux être le premier à venir ici sans voir le tableau.
- C’est Mona Lisa, il faut la voir.
- La voir pour quoi ?
- Parce que. Parce qu’elle est sortie en livre.
- Pas lu.
- En film aussi.
- Le seul cinéma qui vaille la peine est le cinéma turc, sous-titré en araméen.
- Elle est sur des milliers de t-shirts.
- Je ne porte que ceux des Sex Pistols, troués de préférence.
- Des chansons en parlent.
- Si elles ne sont pas de Ramones, ça vaut rien.
- T’es casse-pieds, hein ? Allez, on y va.
- Attends, attends. On va faire la chose suivante : je vais jeter un œil, rapidos, mais tu le dis à personne, d’ac ?
- Marché conclu. J’ouvre pas le bec.

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Asdrúbal Inocêncio, originaire du Céara depuis 12 générations, a aussi vu la peinture de Léonard de Vinci.

- Oh bé, é pas ben joli joli la gueuse !

vendredi 17 octobre 2008

Edith n'existe pas

En mettant bout à bout les éléments de mes longues rencontres inopinées avec Edith, j’ai commencé à craindre fortement qu’elle soit le fruit de mon imagination. Elle n’existe que dans ma tête. Avant de me rendre chez le psychiatre (encore plus nombreux à Paris que les pigeons et les chiens), j’ai décidé de vous faire part des preuves qui m’ont conduit à cette conclusion.

Elle est partout en même temps

J’ai découvert qu’il suffit de l’imaginer et hop, Edith apparaît. Un de ces jours, j’ai fait le test et pensais à elle en sortant de l’immeuble. Il m’a suffit de tourner la tête pour la voir apparaître. Elle était très pressée m’a-t-elle dit. La conversation a malgré tout duré 30 minutes, ne prenant fin que lorsque j’ai dit que je devais aller au marché d’Aligre faire des courses pour le déjeuner.

A peine arrivé au marché, je croise une manifestation d’immigrés sans papiers. J’ai senti une main sur mon épaule. C’était elle, qui me tendait un tract alors qu’elle me racontait en détail toutes les raisons de la révolte.

- Daniel, il y a une marche aujourd’hui, à 15h. J’y serai.

Je n’en ai pas douté un instant.

Le soir même, j’allais au resto associatif du quartier et pensais une nouvelle fois à ma voisine. En entrant, elle était déjà là, aidant un couple d’Italiens à préparer le dîner.

- Salut Daniel. Je ne peux pas discuter maintenant.

- T’inquiète pas. Vraiment.

L’avantage de cette omniprésence c’est que quand on a besoin d’elle, elle….

...résout les problèmes de tout le voisinage

Besoin d’un peintre pour refaire votre salon ? Edith en connaît un. Vous voulez acheter une table ? Elle connaît les magasins qui font des promotions. Le chauffage central ne fonctionne pas bien ? Parlez-lui en et le jour suivant il sera réparé. Edith a une réponse et une solution à tout. En plus d’omniprésente, elle est omnisciente.

Mais bien qu’elle soit toujours là quand j’ai besoin d’elle, ce qui m’intrigue c’est que ...

... mes amis ne l’ont jamais vue

Plusieurs d’entre eux sont déjà venus me voir à Paris. Tous demandent de ses nouvelles. De mon balcon, je leur montre son jardin et leur raconte l’histoire de la chute du pied de table, leur disant qu’à un moment ou un autre, ils vont bien finir par la croiser. Aucun n’y est arrivé. Y en a même une qui a monté la garde devant l’immeuble, un appareil photo à la main, attendant une dame de soixante et quelques années, les cheveux rouges. Elle a même pris une vieille punk en photo, tout juste arrivée de Woodstock à pied. Mais Edith, pas une trace.

Même si elle persiste à ne pas se montrer à mes amis, elle continue à m’apparaitre. Récemment, elle est souvent accompagnée de…

...monsieur Thésée

Edith a un ami inséparable et complémentaire. Alors qu’elle parlerait aux murs, il n’ouvre pas la bouche. Le bien nommé s’appelle Monsieur Thésée, ce qui fait beaucoup de coïncidences, je ne vous le fais pas dire.

Monsieur Thésée et Edith forment un couple parfait, bien qu’ils ne soient pas mariés puisqu’elle...

...est mariée avec une légende

Les doutes sur la supposée existence de ma voisine ont cessé lorsqu’elle m’a présenté son mari. C’est là que je me suis rendu compte que je délirais vraiment. Et pour cause : il est finlandais, rondouillard, souriant, bon enfant et porte barbe et cheveux blancs. Edith, en fin de compte, est mariée avec le Père Noël.

Les pièces de mon possible délire s’emboitent si bien que je songe faire appel à un psychiatre. Je vais demander à Edith si elle n’en a pas un à m’indiquer.